LA SOCIETE DE L’HYPER-SPECTACLE 2.0
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Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions postmodernes de création et de reproductibilité technique s'annonce comme une immense accumulation de simulacres. Tout ce qui est directement vécu est immédiatement recyclé dans une simulation.
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Les images de chaque aspect de la vie fusionnent dans un flux numérique où l'unité de cette vie est définitivement (r)établie. La néo-réalité considérée totalement se déploie dans sa propre unité générale en tant que hypermonde totalement interactif, objet de contemplation et de participation quasi-mystique. Les images du monde, se retrouvent, accomplies, dans un pseudo-monde imaginal où le mensonger en déroute se ment à lui-même. L’hyper-spectacle en général, comme transfiguration abstraite de la vie, est le mouvement hétéronome du mort-vivant.
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L’hyper-spectacle interactif, collaboratif et participatif se présente comme la société même et comme instrument d’unification. En tant que totalité de la société en réseau, il est expressément ce qui concentre de façon décentralisée tout regard et toute conscience et l’unification réticulaire qu’il accomplit n’est rien d’autre qu’un langage officiel de la fusion généralisée dans une totalité matricielle organique-machinique.
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L’hyper-spectacle virtuel de la s(t)imulation neuro-interactive n’est pas un ensemble d’images mais un rapport social entre des personnes multi-médiatisé par des images numériques.
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La simulation, dont « le centre est partout et la circonférence nulle part », ne peut être comprise comme l’abus d’un monde de la vision, le produit des techniques de diffusion massive des images. Elle est bien plutôt une Weltanschauung devenue effective, numériquement traduite. C’est une vision du monde qui s’est objectivée.
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La simulation hyper-spectaculaire, comprise dans sa totalité matricielle, est à la fois le résultat et le projet du mode de création et de reproductibilité existant. Elle n’est pas un supplément au monde réel, sa décoration surajoutée. Elle est le cœur de l’hyperréalité de la société actuelle. Sous toutes ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissements, la simulation constitue le modèle présent de la vie socialement dominante.
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La séparation comme simulacre et modèle de simulation fait elle-même partie de l’unité du néo-monde imaginal, de la praxis sociale globale qui s’est constituée, par-delà images et réalité, en hyperréalité. La pratique sociale, devant laquelle se posait le spectacle autonome, était aussi la totalité réelle qui contenait le spectacle. Mais la scission dans cette totalité la mutilait au point de faire apparaître le spectacle comme son but. Le langage du spectacle était constitué par des signes de la production régnante, qui étaient en même temps la finalité dernière de cette production. Cette finalité a donc atteint son but, désormais hyperréalisée par l’instauration de l’hégémonie du Code – social, génétique, informatique – et de l’ordre mondial des simulacres.
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Dans l’hypermonde réellement renversé, le vrai et le faux ont fusionné.
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Pour décrire l’hyper-spectacle néo-matriciel qui englobe tout et n’importe quoi, ne possédant plus aucune extériorité qui ne soit pas elle-même un simulacre, on ne peut que parler l’un ou l’autre des langages de l’hyper-spectaculaire, se révélant au final comme un ensemble de dispositifs et programmes neuro-linguistiques de simulation, subtil agencement de modèles, de rôles, d’archétypes et de stéréotypes, manipulation de signes et de symboles encodés comme in-formations dans l’inconscient machinique collectif , jeux de miroirs de l’imaginaire où vient se réfléchir, se perdre et se reproduire le dernier homme dans un interminable processus de dialectisation cybernétique, de constante réversibilité comme système dynamique de flux et reflux, algorithme complexe où tout n’est que facteur d’une équation non-linéaire et fractale.
L’hyper-spectacle interactif, participatif et collaboratif n’est rien d’autre que le non-sens de la pratique totale d’une formation écoloqique-sociale, son emploi de l’espace-temps. C’est le lieu-moment posthistorique qui nous contient.
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L’hyper-spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que « ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît ». L’attitude qu’il exige par principe est cette acceptation active qu’il a déjà en fait obtenue par sa manière d’apparaître.
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Le caractère fondamentalement tautologique de l’hyper-spectacle numérique découle du simple fait que ses moyens sont en même temps son but. Il est le soleil qui ne se couche jamais sur l’empire de l’interactivité postmoderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire.
L’hyper-spectacle ne veut en venir à rien d’autre qu’à lui-même.
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En tant qu’indispensable parure des objets créés maintenant, en tant qu’exposé général de l’hyperrationalité du système et en tant que modèle économique avancé qui façonne directement une multitude croissante d’images-objets communiquants, l’hyper-spectacle est la principale création de la société actuelle.
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L’hyper-spectacle est l’au-delà du spectacle, sa révélation et son apocalypse, son dépassement définitif et terminal. La non-séparation fusionnelle et indifférenciée dans une totalité matricielle organique-machinique est l’alpha et l’oméga de l’hyper-spectacle.
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L’hyper-spectacle de l’ère « 2.0 » est le schizo-capital à un tel degré de sublimation qu’il devient image numérique.
JR Ewing